3.2.3 Dimensionnement d'un échantillon Visar

Pour qu'une mesure de courant par Visar soit interprétable simplement, il faut:
  1. qu'il n'y ait pas d'aller/retour d'ondes dans l'échantillon ;
  2. que le diamètre de l'échantillon soit suffisant pour éviter les effets de bords, c'est à dire la propagation jusqu'à la tache focale du laser d'ondes réfléchies par les bords latéraux ;
  3. qu'il n'y ait pas de formation de choc dans l'épaisseur de l'échantillon, afin de pouvoir en déduire la chronologie (l'information temporelle étant perdue en cas de choc).
La première condition implique que l'échantillon soit suffisamment épais. Cette épaisseur peut s'évaluer de façon simple en considérant que le premier aller/retour est produit par une onde se propageant dans un milieu au repos. Soit $C_0$ la vitesse du son dans un matériau non perturbé (voir la table 4.1), alors si $\tau$ est la durée (que l'on veut mesurer) du phénomène appliquant une contrainte (ici une pression) sur la face interne de l'échantillon, ce dernier doit avoir une épaisseur supérieure à:

\begin{displaymath}
e = C_0 \cdot \tau
\end{displaymath}

La figure 4.7 illustre ce phénomène. Il s'agit de la simulation numérique MHD 2D de la mise en vitesse d'un échantillon de cuivre, avec un échantillon trop fin. Les profils spatiaux de densité à différents instants montrent une perturbation de grande amplitude qui se propage dans le matériau, pour finalement déboucher en face externe. Ceci met alors en mouvement la face externe, et aussitôt une onde de détente part en sens inverse3.10, vers la face interne. Ceci se traduit par une diminution de la densité (observer comment le pic de densité diminue brutalement dès que l'onde débouche) qui vient à la rencontre de la face interne mise en plasma. Cette diminution de la densité signifie la fin d'un régime qui était facile à déconvoluer. Sans l'aide d'un code numérique, la mesure exploitable s'arrête à $t=146 \, \mathrm{ns}$ (voir figure 4.6).

Tableau: vitesses du son dans quelques matériaux au repos
matériau $C_0$    
  $\, \mathrm{m/s}$    
Cuivre $3940$    
Aluminium $5386$    
Tungstène $4030$    
Tantale $3410$    
Acier Inox $4570$    
Hydrogène ($\mathrm{H_2}$) à $1 \, \mathrm{atm}$ $1200$    
Hélium à $1 \, \mathrm{atm}$ $946$    
Air à $1 \, \mathrm{atm}$ $340$    
Eau de mer à $20 \, \mathrm{\ensuremath \mbox{°}}$ $1522$    


La seconde condition implique que l'échantillon soit suffisamment large. Ceci n'est toutefois pas toujours possible, du fait de la petite taille de certaines charges. Une limite inférieure peut-être calculée en considérant que le temps $\tau$ doit être inférieur au temps mis par une onde se propageant à $C_0$ sur une distance $e+\frac{D}{2}$ (en effet, l'onde va vers la face externe de l'échantillon puis se réflèchit vers le centre et rejoint l'onde venant de l'autre bord au centre.). Ceci n'est qu'une limite inférieure, car la propagation de la périphérie de l'échantillon vers son centre ne se fait plus dans un matériau au repos (voir paragraphe suivant) !

Figure: vitesses sonores en fonction de la pression pour différents matériaux - source [58]
\rotatebox{-90}{\includegraphics[height=\textwidth]{figures/V_son_materiaux.ps}}

Figure 4.4: principe de la formation d'une onde de choc: redressement de front d'onde (voir note 12)
\rotatebox{-90}{\includegraphics[height=\textwidth]{figures/principe_choc.ps}}

La dernière condition implique que l'échantillon soit suffisamment fin. En effet, étant donné que la vitesse sonore augmente au fur et à mesure que le matériau est sous contraintes, plus les ondes partent de la face interne tard, plus elles sont rapides (le matériau ayant été perturbé par les ondes précédentes, voir la figure 4.33.11). Les ondes parties plus tard vont donc finir par rattrapper les premières ondes, et ceci forme un choc (une fois que les ondes les plus rapides rejoignent les plus lentes, elles se déplacent à la même vitesse car le milieu qui leur fait face est un milieu au repos). Ce raidissement du front d'ondes3.12 peut nécessiter un code pour être calculé (voir les profils de densité à plusieurs instants issus d'une simulation Mach2 en figure 4.5) et pour dimensionner l'échantillon de façon à garder un temps de montée en face externe raisonnable3.13. Cette condition peut être incompatible avec la première, ce qui signifie tout simplement que pour certains signaux, il ne sera pas possible d'éviter la formation d'un choc (donc la perte de l'information temporelle).

Figure: formation d'un choc dans un échantillon de cuivre
\rotatebox{-90}{\includegraphics[height=\textwidth]{figures/form_choc.ps}}

Figure: courant injecté dans les simulations présentées en figures 4.5 et 4.7
\rotatebox{-90}{\includegraphics[height=\textwidth]{figures/courant_explo_cu.ps}}

Figure: aller/retour d'onde dans un échantillon de cuivre
\rotatebox{-90}{\includegraphics[height=\textwidth]{figures/AR_onde.ps}}



Notes

... inverse3.10
afin de faciliter la lecture de ces courbes, les traits pointillés sont utilisés pour les profils de densité avant que l'onde ne débouche et les traits pleins après.
...fig:v_son_materiaux3.11
Attention, ces courbes sont issues de l'expression de la vitesse en fonction de la pression sous la forme de polynomes avec $D=C_0+S u +
\dots$ Elles ne contiennent donc pas, par exemple, la transformation halotropique du fer (changement de structure cristalline)
... d'onde3.12
Le raidissement des ondes est illustré par le schéma 4.4. On crée quatre ondes élémentaires, de mêmes amplitudes dans un matériau, mais à des instants différents et avec des vitesses de propagation croissantes avec le décalage temporel. L'onde résultante, qui est la somme de ces quatre contributions, se redresse de plus en plus au fur et à mesure que les ondes rapides rattrapent leur retard. Puis à $t=90 \, \mathrm{ns}$ les premières ondes se rattrapent, et leur somme se propage alors à une vitesse légèrement supérieure à la vitesse de propagation de la première composante. Enfin, à $t = 120 \, \mathrm{ns}$, toutes les composantes se sont rattrapées, le choc est parfaitement formé. Pour estimer la vitesse de propagation du choc, on peut se réfèrer à [97].
... raisonnable3.13
Des calculs analytiques permettent cependant de dimensionner au mieux cette épaisseur pour éviter le choc: voir [53] et [68]
Mathias.Bavay_at_ingenieurs-supelec.org - juillet 2002